La seconde édition barcelonaise du festival MUTEK propose un panel sur les festivals comme destinations touristiques et catalyseurs créatifs. Les villes se targuant d’être des pôles créatifs sont-elles vraiment prêtes à appuyer les arts émergeants? Retour sur un panel avec trois organisateurs de festival de musique électronique : Alain Mongeau de MUTEK (Montréal), Sergio Ricciardone de Club to Club (Turin) et Alberto Guijarro, co-directeur de Primavera Sound (Barcelone).
Convaincre les villes de l’impact économique positif des festivals de musique en dehors des sentiers battus n’est pas un pari gagné d’avance. Quand il s’agit d’octroyer des subventions aux festivals un peu en marge, les municipalités manquent parfois de vision d’ensemble. Pourtant chaque dollar investi génère des retombées économiques considérables : le phénomène du tourisme festivalier est chiffrable. Dans le cas de Turin, une étude universitaire démontre que 8 euros de profit découlent de chaque euro investi dans le festival Club to Club. Alberto Guijarro estime d’ailleurs que Primavera Sound a généré des revenus pour les hotels, restaurants et autres industries « para-festivalières » bien avant que le festival lui-même soit profitable. En ce qui concerne MUTEK, étant donné que plus de 40% des festivaliers viennent de l’extérieur de Montréal, l’événement bénéficie de l’appui d’institutions promouvant le tourisme et de commerces dans ce domaine.
Chaque organisateur de festival dépeint une relation différente avec la ville d’attache. Pour Ricciardone, Turin se définit activement comme une ville d’art contemporain. Club to Club est donc bien appuyé par la municipalité. Bien que la ville n’ait pas les moyens de les subventionner directement, l’appui municipal se manifeste autrement. Le fait de savoir la ville derrière le festival est un atout intangible mais important; la volonté politique permet un support logistique, des échanges de visibilités et d’autres formes d’assistance. Je pense notamment à l’appui logistique en termes de gestion de trafic, de coordination avec les policiers en termes de tolérance du bruit, etc. Une autre piste intéressante pour les festivals en Europe est de solliciter des fonds de l’Union Européenne. Selon Ricciardone, cette option est intéressante car elle permet de préserver une certaine indépendance de la politique locale.
Pour Alain Mongeau, la reconnaissance de MUTEK au sein de la ville s’est fait de l’extérieur. Le rayonnement international du festival joue un rôle clé dans le financement. Gagnant du grand prix du tourisme section “Festivals et événements touristiques, Budget d’exploitation de moins de 1 M$”, MUTEK a su changer la perception d’un événement absorbant des deniers publics à celui de générateur de revenus. Mongeau reconnaît que les festivals grand public tels que le Jazz ou Juste Pour Rire ont ouvert la voie à la perception de festival comme investissement rentable. Mais il déplore le quasi-monopole des grands joueurs sur le financement. Si Montréal se veut réellement un pôle créatif, une diversification vers la culture plus pointue n’est-elle pas de mise? Les festivals grand public ont leur place, certes. Cependant, les arts émergeants sont une de nos forces principales. Comme Ghislain Poirier, je me questionne sur la cohérence entre la « marginalité tonifiante » [1] prônée sur papier et les appuis concrets du gouvernement municipal.
Un survol de Micro-MUTEK Espagne est disponible sur 33mag. Plus de photos du festival ici.
[1] quartierdespectacles.com